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LA LOI N° 2011-1898 DU 20 DECEMBRE 2011 SUPPRIME LA REMUNERATION POUR COPIE PRIVEE POUR CERTAINS SUPPORTS D’ENREGISTREMENT

De quoi s’agit-il ?

Dans la droite ligne de l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 juin 2011 (Conseil d’Etat N° 324816) qui avait déclaré illégale la rémunération pour copie privée telle qu’elle était prévue à l’article L. 311-8 du Code de la propriété intellectuelle (voir ma note du 27 juillet 2011 sur ce même site), le législateur a, par la loi n° 2011 – 1898 du 20 décembre 2011, fait évoluer la législation, et par la même occasion, supprimé la rémunération due au titre de la copie privée pour certains utilisateurs de supports d’enregistrement.

Cette loi ne comporte que 7 articles, tous consacrés à la rémunération pour copie privée.

Les 3 premiers articles opèrent des ajustements techniques, et modifient les articles L. 311-1, L 311- 4 du Code de la propriété intellectuelle en ce qui concerne l’origine des sources, la durée et la capacité des enregistrements, le montant de la rémunération…

Un nouvel article L. 311-4-1 fait son apparition, et prévoit que « le montant de la rémunération prévue à l’article L. 311-3 propre à chaque support est porté à la connaissance de l’acquéreur lors de la mise en vente des supports d’enregistrement mentionnés à l’article L. 311-4 ».

L’alinéa 2 de cet article prévoit les sanctions en cas de manquements aux obligations prévues par cet article. Il s’agit d’une amende administrative dont le montant ne peut être supérieur à 3 000 €.

La principale innovation de cette loi résulte de son article 4, qui modifie l’article L. 311-8 du Code de la propriété intellectuelle et élargit les utilisateurs exonérés du paiement de la redevance.

L’ancien article L. 311-8 ne prévoyait que 3 catégories d’utilisateurs qui pouvaient demander le remboursement de la rémunération versée au titre de copie privée pour les supports d’enregistrement acquis pour leur propre usage ou production :

« 1° Les entreprises de communication audiovisuelle ;

2° Les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et les personnes qui assurent, pour le compte des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, la reproduction de ceux-ci ;

2° bis Les éditeurs d’œuvres publiées sur des supports numériques ;

3° Les personnes morales ou organismes, dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de la culture, qui utilisent les supports d’enregistrement à des fins d’aide aux handicapés visuels ou auditifs ».

Ainsi présentée, la rémunération pour copie privée était critiquée, aux motifs notamment qu’elle :

• Instituait une présomption de contrefaçon à l’encontre de tout acquéreur de l’un ou l’autre des supports visés ;

• Conduisait à une taxation indistincte des copieurs et utilisateurs de bonne ou de mauvaise foi ;

• Avait pour assiette de taxation une capacité de stockage sans aucune considération du volume définitivement utilisé ;

• Soumettait indistinctement au paiement de la redevance les utilisateurs privés et les utilisateurs professionnels, alors même que par son intitulé, cette redevance ne devait concerner que la copie privée…

Ce dernier motif de contestation devait cristalliser le combat des pourfendeurs de cette redevance.

L’arrêt du Conseil d’Etat du 17 juin 2011

Statuant à la fois sur le fondement de l’article L 311-8 du CPI et la directive 2001/29/CE du 22 mai 2011, le Conseil d’Etat allait déclarer illégale la rémunération pour copie privée telle que pratiquée jusqu’alors en ce qu’elle ne réservait pas le cas des supports acquis, notamment à des fins professionnelles, dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage de ces matériels à des fins de copie privée (Arrêt N° 324816 publié au Recueil : Canal + Distribution et autres c/ Ministre de la culture et de la communication)

La loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011

La loi du 20 décembre 2011 a tiré toutes les conséquences de cette arrêt, et a allongé la liste des exonérations de l’article L. 311-8 du CPI, comme nous le supputions dans notre note précitée.

Dorénavent, l’article L 311-8 est complété par un II, qui ajoute à la liste des utilisateurs exonérés de la rémunération pour copie privée, les utilisateurs professionnels en ces termes :

«La rémunération pour copie privée n’est pas due non plus pour les supports d’enregistrement acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée».

Cette exonération va certainement ravir les sociétés de production audiovisuelles.

Il n’en sera certainement pas de même pour les dispositions de droit transitoire prévues par cette loi.

Pour éviter une prolifération des demandes de remboursement au titre des rémunérations acquittées depuis la décision du 17 décembre 2008 de la commission prévue à l’article L. 311-5, le législateur du 20 décembre 2011 va insérer dans la loi un article 6 ainsi rédigé une disposition assez restrictive en termes de demandes de remboursement des sommes acquittées au titre de la copie privée : «Les rémunérations perçues ou réclamées en application de la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle au titre des supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée, qui ont fait l’objet d’une action contentieuse introduite avant le 18 juin 2011 et n’ont pas donné lieu, à la date de promulgation de la présente loi, à une décision de justice passée en force de chose jugée sont validées en tant qu’elles seraient contestées par les moyens par lesquels le Conseil d’Etat a, par sa décision du 17 juin 2011, annulé cette décision de la commission ou par des moyens tirés de ce que ces rémunérations seraient privées de base légale par suite de cette annulation».

En d’autres termes, sont validées les demandes de remboursement formées avant le 18 juin 2011, à la condition qu’elles soient fondées «par les moyens par lesquels le Conseil d’Etat a, par sa décision du 17 juin 2011, annulé cette décision de la commission ou par des moyens tirés de ce que ces rémunérations seraient privées de base légale par suite de cette annulation ».

Pour la période comprise entre le 18 juin 2011 et l’entrée en vigueur de la loi du 20 décembre 2011, l’article 6 de la loi ne prévoit aucune disposition particulière.

L’article 7 de la loi règle le sort de la période postérieure à son entrée en vigueur, pour les rares supports qui auraient encore été cédés aux bénéficiaires de la nouvelle exonération, sans tenir compte de la réforme : « Les demandes de remboursement formées par les personnes bénéficiaires du II de l’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la présente loi, s’appliquent aux supports d’enregistrement acquis postérieurement à la promulgation de ladite loi. »

Il n’y aura pas pléthore de demandes de remboursement.

Par Jean-Marie TENGANG

Docteur en Droit – Avocat à la Cour

Chargé d’Enseignement Université Montesquieu Bordeaux IV