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Incompetence du Juge Administratif en presence d’une clause compromissoire

Par un arrêt des 1ère et 2ème chambres réunies du 12 juillet 2016 P, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux devait se prononcer sur la validité d’une clause compromissoire insérée dans un contrat conclu entre le Syndicat Mixte des Aéroports de Charente d’un côté, la société RYANAIR et l’une de ses filiales, de l’autre.

Elle a ainsi jugé que les clauses d’arbitrage international introduites dans deux contrats signés entre ces entités, étaient licites.

De manière fort logique, la Cour en a déduit l’incompétence du juge administratif pour connaître des litiges contractuels nés entre les parties.

Pour en savoir plus,

Arrêt CAA de Bordeaux, 12 juillet 2016 (13BX02331)

Le syndicat mixte des aéroports de Charente et la société Ryanair Limited ont conclu le 8 février 2008 deux conventions ayant pour objet le développement et la promotion d’une liaison aérienne régulière entre les aéroports de Londres-Stansted et d’Angoulême, assorties de clauses imposant le recours à l’arbitrage auprès du tribunal d’arbitrage international de Londres pour le règlement de tout différend non résolu à l’amiable, concernant notamment la résiliation des conventions. Celles-ci, qui ont la nature de marchés publics de services, génèrent des mouvements transfrontaliers de personnes, de services, de biens et de capitaux, et doivent donc être regardées comme portant sur des opérations relevant du commerce international. Or, selon la convention européenne sur l’arbitrage commercial international du 21 avril 1961, ratifiée par la France, les personnes morales de droit public ont la faculté de conclure valablement des conventions d’arbitrage pour le règlement de litiges afférents à des opérations de commerce international. Les clauses compromissoires assortissant les conventions conclues avec Ryan Air Limited sont donc licites dès lors que, par ailleurs, ces conventions n’ont pas été conclues en méconnaissance des règles impératives du droit public français et qu’elles ne comportent pas de clauses contraires à ces mêmes règles. Dans ces conditions, la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer au fond sur le litige relatif aux conditions de résiliation des conventions du 8 février 2008 et à ses conséquences financières, porté devant lui par le syndicat mixte des aéroports de Charente.

Arrêt 13BX02331 – 1ère et 2ème chambres réunies – 12 juillet 2016 – Syndicat mixte des aéroports de Charente

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte des aéroports de Charente a demandé le 30 juin 2010 au tribunal administratif de Poitiers, d’une part, de prononcer la résiliation de la « convention de services aéroportuaires » du 22 janvier 2008 qu’il a conclue avec la société Ryanair Limited et de la « convention de services marketing » qu’il a signée le même jour avec la société Airport Marketing Services Limited et, d’autre part, de condamner solidairement lesdites sociétés à réparer les préjudices résultant de cette rupture.

Par un jugement n° 1001640 du 20 juin 2013, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête du syndicat mixte des aéroports de Charente, ainsi que les conclusions reconventionnelles présentées devant lui par les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2013 et un mémoire en réplique enregistré le 9 juillet 2015, le syndicat mixte des aéroports de Charente, représenté par Me Granjon, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 juin 2013 ;

2°) de prononcer la résiliation des conventions signées par le syndicat avec les sociétés Rynair Limited et Airport Marketing Services Limited aux torts exclusifs de ces sociétés ;

3°) de condamner solidairement ces sociétés à réparer le préjudice qu’il a subi du fait de la faute qu’elles ont commise en arrêtant la liaison aérienne Londres-Angoulême et à lui verser les sommes de : – 700 000 euros représentant le montant des aides versées au cours des années 2008 et 2009 ; – 165 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte de redevances sur les années 2010, 2011 et 2012 ; – 428 000 euros au titre des investissements non amortis ; – 242 555 euros au titre des coûts de personnel que le syndicat a dû continuer à supporter en partie au cours des années 2010 et 2011 ; – ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du tribunal administratif avec capitalisation des intérêts.


Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte des aéroports de Charente (SMAC), à la suite d’un appel à projet publié le 28 juillet 2007 au Journal officiel de l’Union européenne, a conclu le 8 février 2008 avec la société Ryanair Limited et la société Airport Marketing Services Limited, sa filiale à 100%, deux conventions ayant pour objet le développement d’une liaison aérienne régulière entre les aéroports de Londres-Stansted et d’Angoulême à compter du printemps 2008. Ces conventions, expressément soumises au droit français, comportaient une stipulation imposant le recours à l’arbitrage auprès du tribunal d’arbitrage international de Londres pour tout différend non résolu à l’amiable « découlant de ou en relation avec la convention, y compris toute question concernant son existence, sa validité ou sa résiliation ». Par lettre du 17 février 2010, la société Ryanair Limited a notifié au SMAC sa décision de supprimer la ligne aérienne entre Londres et Angoulême, mettant également fin, par voie de conséquence, à la seconde convention, dite « de services marketing » conclue par le SMAC avec la société Airport Marketing Services Limited. Saisi par les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited, le tribunal londonien d’arbitrage international, par une sentence avant-dire droit rendue le 22 juillet 2011, s’est déclaré compétent pour connaître du litige opposant les sociétés au SMAC et a, en conséquence, refusé de surseoir à statuer jusqu’à ce que le tribunal administratif de Poitiers, également saisi par le syndicat, se soit prononcé sur le même litige. Par une sentence au fond du 18 juin 2012, la même juridiction arbitrale a confirmé la validité de la résiliation des conventions par la société Ryanair Limited et a rejeté les conclusions reconventionnelles du SMAC, qui tendaient à la résiliation des conventions aux torts exclusifs des sociétés et à leur condamnation à lui verser des dommages et intérêts. Par jugement du 20 juin 2013 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté, d’une part, la demande du SMAC tendant à ce qu’il prononce la résiliation des conventions aux torts exclusifs des sociétés et les condamne solidairement à lui verser des dommages et intérêts, d’autre part, les conclusions reconventionnelles indemnitaires des sociétés, estimant que le litige était porté devant une juridiction incompétente pour en connaître. Le SMAC relève appel de ce jugement.

2. Il résulte des principes généraux du droit public français que, sous réserve des dérogations découlant de dispositions législatives expresses ou, le cas échéant, des stipulations de conventions internationales incorporées dans l’ordre juridique interne, les personnes morales de droit public ne peuvent pas se soustraire aux règles qui déterminent la compétence des juridictions nationales en remettant à la décision d’un arbitre la solution des litiges auxquels elles sont parties et qui se rattachent à des rapports relevant de l’ordre juridique interne.

3. Selon les stipulations des articles 1 et 2 de la convention européenne sur l’arbitrage commercial international du 21 avril 1961, rendue applicable en France par la loi du 6 juillet 1966 autorisant sa ratification et le décret du 26 janvier 1968 portant publication de cette convention, « les personnes morales de droit public ont la faculté de conclure valablement des conventions d’arbitrage pour le règlement de litiges nés ou à naître d’opérations de commerce international ». Il appartient au juge administratif saisi du règlement au fond d’un tel litige d’examiner si le contrat, compte tenu de son objet et de ses stipulations, entre dans le champ d’application de cette convention et, dans l’affirmative, de vérifier si une clause compromissoire imposant le recours à l’arbitrage international est licite, notamment au regard des règles impératives du droit public français. Dans l’hypothèse où cette clause est licite, le juge administratif doit décliner sa compétence pour connaître des différends nés de l’exécution du contrat au profit de l’arbitre international.

4. La convention conclue entre le SMAC et la société Ryanair Limited a pour objet la détermination des conditions opérationnelles et financières dans lesquelles Ryanair s’établira et opèrera des vols commerciaux entre Angoulême et l’aéroport de Londres Stansted, ainsi que des conditions d’atterrissage, de « handling » et d’autres services offerts par l’aéroport. La seconde convention, conclue entre le SMAC et la société Airport Marketing Services Limited, porte sur des prestations de « marketing » assurant sur des sites internet français, anglais et irlandais la promotion internationale de l’aéroport et de sa région. Ces conventions, qui constituent un ensemble indissociable de contrats administratifs ayant la nature de marchés publics de services, génèrent un mouvement transfrontalier de personnes, de services, de biens et de capitaux. Elles doivent donc être regardées comme portant sur des opérations relevant du commerce international, et entrent ainsi dans le champ d’application de la convention précitée du 21 avril 1961.

5. Il ne résulte pas de l’instruction que les conventions en cause auraient été conclues en méconnaissance des règles impératives du droit public français auxquelles sont nécessairement soumis de tels contrats ou comporteraient des clauses contraires à ces mêmes règles. Dans ces conditions, la clause d’arbitrage international figurant dans chacune des conventions litigieuses n’est pas illicite. En conséquence, la juridiction administrative n’est pas compétente pour connaître du présent litige et le SMAC n’est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Poitiers, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande.

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par le SMAC et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du SMAC une somme quelconque au titre des frais exposés par les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête du syndicat mixte des aéroports de Charente est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Le tirage au sort pour l’admission post-bac a l’universite est illegal

L’affaire jugée le 16 juin 2016 par le Tribunal Administratif de Bordeaux est relative aux aléas de la mise en oeuvre de la fameuse APB (Admission Post-Bac).

Sans doute pour innover, le conseil d’administration de l’université de Bordeaux a fixé, par délibération du 5 décembre 2015, les capacités d’accueil maximales en première année de licence STAPS, pour l’année 2015-2016.

Compte tenu du nombre largement supérieur de demandes, avait prévu un tirage au sort effectué par voie électronique parmi ces candidatures.

Le jugement n° 1504236 rendu le 16 juin 2016 par le tribunal administratif de Bordeaux annule la décision de refus d’inscription d’un candidat recalé au tirage au sort au motif que :

  • Les dispositions de l’article L. 612-3 du code de l’éducation prévoient que lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement…, les inscriptions sont prononcées, selon une réglementation établie par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci ;
  • Il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’une telle réglementation, permettant de fonder la procédure de tirage au sort mise en œuvre en l’espèce, existerait, ainsi d’ailleurs que l’a relevé l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche dans son rapport de janvier 2016.

Jugement TA Bordeaux du 16 juin 2016

La mise en oeuvre de la procédure de tirage au sort est annulée de ce chef.

Me Jean-Marie TENGANG