Méthodologie du cas pratique
A- Démarche préliminaire
II est important d’être particulièrement vigilant à la formulation de la question et à l’identité de la partie qui consulte.
Il faut ensuite classer les faits, soit chronologiquement, soit de manière thématique afin de procéder à leur qualification juridique. Cette étape est décisive car elle permet de les traduire dans le vocabulaire juridique. Cette démarche permet de circonscrire le domaine de l’étude.
La phase la plus délicate consiste alors à énoncer le problème juridique. La meilleure méthode reste l’approche progressive du problème.
Par exemple : c’est un problème de hiérarchie des normes, c’est un problème de hiérarchie entre deux règlements, il s’agit de savoir si tel texte peut contredire tel autre texte. Cette précision est impérative afin d’éviter que la consultation ne se transforme en récitation du cours…
Il est enfin possible de rechercher la solution à partir des textes et de la jurisprudence que l’on connaît. Il peut arriver que la solution soit incertaine.
Deux hypothèses peuvent alors être envisagées : soit une solution est vraisemblable, on écarte les autres en les énonçant et en justifiant leur exclusion ; soit plusieurs solutions sont possibles et on développe chaque argumentation en évaluant les chances de réussite de chacune. Il est bien évident que chaque solution doit être argumentée.
Une affirmation sans justification n’a aucune valeur.
B- Présentation de la solution
La présentation du cas pratique est beaucoup moins formaliste que celle de la dissertation ou du commentaire de décision. Il ne peut y avoir de plan préétabli puisque toute construction dépendra directement de l’exercice. L’introduction doit rappeler brièvement les faits (NB Il n’est pas nécessaire de recopier le texte de la consultation…) afin d’identifier les différents problèmes juridiques.
S’il s’agit d’une consultation avec un seul problème juridique, la démarche qualification, problème juridique, solution, justification peut être proposée sans aucun autre formalisme :
1- On expose les faits
2- On les qualifie : consiste à faire entrer ces faits dans une catégorie juridique préexistante, ce qui permettra de déterminer la règle applicable.
3- Après l’exposé des faits, il faut introduire la ou les questions juridiques soulevées par le cas. Questions qu’il faut successivement se poser pour apporter une réponse argumentée au cas. Pour cela il est pratique de formuler simplement la question que se pose le sujet du cas, puis de la traduire d’un point de vue juridique.
4- On identifie la question juridique soulevée par le cas
Cette suite de questions va permettre d’introduire les règles applicables à la difficulté du cas et de justifier votre plan.
5- On expose la règle applicable
6- Il faut sélectionner dans le cours les connaissances utiles à la résolution du cas. Il faut donner toutes les informations nécessaires à la compréhension du mode de résolution du cas mais seulement ces connaissances. Une récitation de tout le cours sans le rattacher au cas est sans intérêt. Une réponse non argumentée, des notions utilisées sans être définies, sont également sans intérêt.
7- On applique la règle aux faits de l’espèce.
8- On trouve un plan en deux parties permettant d’exposer la solution au cas pratique
N.B. : S’il s’agit d’un cas pratique avec plusieurs problèmes juridiques, il y aura donc autant de parties que de problèmes juridiques sans se soucier d’un quelconque équilibre entre les parties. Il peut être envisageable de procéder à certains regroupements thématiques.
Applications
Les solutions des cas pratiques sont proposées par Emilie
CAS N° 1 :
Exposé des faits : Monsieur Rémi MOZA est convoqué devant le tribunal de police le 30 Septembre 2015. Il lui est notamment reproché de ne pas avoir respecté un arrêté préfectoral en date du 25 Juillet 2015 interdisant aux habitants de son département de faire des feux dans leur jardin durant le mois d’Août en raison des risques d’incendie. A ce titre, il encourt une amende de 350€. Or, notre protagoniste estime qu’il n’est pas en tort et compte bien invoquer un arrêté du ministre de l’intérieur qui autorise les feux dans les jardins toute l’année à condition qu’ils soient réalisés à une distance minimale de 50 mètres d’un arbre ou arbuste, précautions qu’il a bien respectées.
Question de fait : Monsieur Rémi MOZA se demande si il peut invoquer la contradiction qu’il estime en sa faveur entre l’arrêté municipal et l’arrêté du ministre.
Question de droit : Existe-t-il une hiérarchie entre les règles de droit interdisant à une règle d’autorité inférieure de contredire une règle d’autorité supérieure ?
Introduction des règles applicables à la difficulté du cas et justification du plan : Pour éviter le désordre et l’insécurité juridique qui pourraient résulter de l’existence de normes contradictoires, notre système juridique a classé ces normes dans un ordre hiérarchique et a mis en place des moyens permettant d’assurer le respect de cette hiérarchie.
Qualification juridique des éléments donnés par le cas : Monsieur MOZA estime que l’arrêté préfectoral en date du 25 Juillet 2015 et l’arrêté ministériel s’opposent. Le premier dispose que durant le mois d’août 2015 les feux dans les jardins sont interdits aux habitant du département. Le second, dispose quant à lui que les feux dans les jardins sont autorisés toute l’année à condition qu’ils soient fait à une distance minimale de 50 mètres des arbres et arbustes. Il s’agit de deux actes pris par des autorités administratives relevant du pouvoir exécutif. On est donc en présence de deux actes relevant de la catégorie des règlements.
Précisions quant au problème juridique et annonce des étapes du raisonnement : Un arrêté préfectoral peut-il contredire un arrêté ministériel et dans la négative, quels sont les recours possibles ? Il conviendra donc de préciser la place de chacune de ces normes dans la hiérarchie (I). Puis, si cette hiérarchie n’est pas respectée, rechercher si Monsieur Rémi MOZA peut avoir recours à l’un des mécanismes prévus pour contrôler la conformité des arrêtés préfectoraux aux arrêtés ministériels (II).
I- La place respective des différents arrêtés dans la hiérarchie des normes.
Il faut sélectionner dans le cours les connaissances utiles à la résolution du cas. Il faut donner toutes les informations nécessaires à la compréhension du mode de résolution du cas mais seulement ces connaissances. Récitation de tout le cours -> Sans intérêt. Réponse non argumentée et des notions non définies -> Sans intérêt.
Les normes écrites nationales s’ordonnent selon une hiérarchie, le principe étant qu’un texte de la catégorie inférieure est toujours subordonné aux textes de la catégorie supérieure et ne peut donc y déroger.
Au sommet de la pyramide élaborée par un juriste Autrichien Hans KELSEN, il faut placer le Bloc de constitutionnalité (comprenant : la Constitution, le préambule de la Constitution de 1946, la DDHC de 1789, la Charte de l’environnement de 2004 et les PFRLR). Vient ensuite le bloc de Conventionnalité (comprenant les traités internationaux ratifiés et publiés et le droit communautaire). En dessous on trouve les lois organiques. Ensuite vient le bloc de légalité (contient : les lois ordinaires, les décisions du Président de la République en vertu des pouvoirs de l’art 16 de la Constitution, les directives européennes non transposées mais parvenues à leur date d’applicabilité et donc directement applicables). Viennent ensuite les PGD et la JP. En dessous on trouve les règlements (comprenant les décrets signés en conseil des ministres, les décrets simples, les décrets pris en CE, les arrêtés ministériels ou interministériels et les arrêtés préfectoraux).
Un arrêté peut être définit (Lexique juridique de l’association Henri Capitant) comme « un acte général, collectif ou individuel, pris par les ministres (arrêté ministériel ou interministériel), les maires (arrêté municipal) et différentes autorités administratives (recteurs -> arrêté rectoral).
Hiérarchiquement, les ministres sont au-dessus des préfets qui eux même sont au-dessus des maires.
Dès lors, les arrêtés préfectoraux doivent être conformes aux arrêtés ministériels et interministériels.
En l’espèce, l’arrêté du ministre de l’intérieur invoqué par Monsieur MOZA prévaut sur ’arrêté préfectoral en date du 25 Juillet 2015.
Quelles sont les procédures qui peuvent être utilisées par Monsieur MOZA pour dénoncer qu’un règlement est contraire à une norme supérieure ?
II- Mécanismes de contrôle de la conformité d’un règlement à une norme supérieure
Deux procédures peuvent être utilisées pour dénoncer un règlement (quel qu’il soit) contraire à une norme supérieure quelle qu’elle soit (la Constitution, un traité, une loi ou un règlement l’autorité supérieure).
1- Le recours pour excès de pouvoir
C’est un recours dirigé contre un acte administratif dont le requérant demande l’annulation car il contredit une norme d’autorité supérieure.
La nullité du texte une fois prononcée peut être invoquée par tous (différence avec l’exception d’illégalité).
Cette procédure doit être menée devant les juridictions administratives dans les deux mois suivant la publication du texte litigieux (alors que l’exception d’illégalité est perpétuelle).
Dans l’affaire de Monsieur Rémi MOZA nous sommes en présence de deux arrêtés, un ministériel et un préfectoral qui sont en contradiction. Monsieur Rémi MOZA souhaite se prévaloir de l’arrêté ministériel.
Monsieur Rémi MOZA ne pourra intenter un recours pour excès de pouvoir car le délai d’action de deux mois est dépassé. Il avait jusqu’au 25 Septembre 2015 pour intenter ce recours.
Ce délai étant dépassé, il ne lui reste plus que l’exception d’illégalité.
2- L’exception d’illégalité
C’est quand le conflit apparaît qu’il est réglé. L’exception d’illégalité permet à un particulier de se défendre à l’occasion d’un procès en faisant valoir que le règlement invoqué contre lui est en contradiction avec une norme supérieure, et qu’il ne saurait donc recevoir application. Si cette illégalité est retenue le règlement est écarté et toutes les décisions qui en découlent sont privées d’effet. Attention le règlement n’est pas annulé, il demeure valable et restera appliqué. En cas de nouveau litige, il faudra continuer à invoquer son illégalité.
Les juridictions administratives peuvent toujours apprécier l’illégalité soulevée.
Plan B
I- recours pour excès de pouvoir
- Juridiction compétente
- Effets
- Délai : 2 mois : ici c’est trop tard
II- L’exception d’illégalité
- Juridiction compétente : ici OK juridiction répressive
- Pas de délai
- Effet : pas d’annulation, le texte est juste écarté…
Cas n°2 : Article du C. Pénal / Article de la DDHC
Exposé des faits : Monsieur Jean QUIKINE est un élu de la région qui est convoqué devant le tribunal correctionnel le 10 février 2012 pour être jugé suite à la plainte pour harcèlement sexuel déposée par l’une de ses collaboratrices. Or, il considère que la loi du 17 janvier 2002 qui a modifié l’article 222-33 du code pénal pour définir le harcèlement sexuel comme « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines énoncé à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen» qui oblige à définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis.
Question de fait : Monsieur Jean QUIKINE se demande si il peut invoquer la contradiction qu’il estime en sa faveur entre l’article 222-33 du C. Pénal et l’article 8 de la DDHC.
Question de droit : Existe-t-il une hiérarchie entre les règles de droit interdisant à une règle d’autorité inférieure de contredire une règle d’autorité supérieure ?
Introduction des règles applicables à la difficulté du cas et justification du plan : Pour éviter le désordre et l’insécurité juridique qui pourraient résulter de l’existence de normes contradictoires, notre système juridique a classé ces normes dans un ordre hiérarchique et a mis en place des moyens permettant d’assurer le respect de cette hiérarchie.
Qualification juridique des éléments donnés par le cas : Monsieur Jean QUIKINE estime que l’article 222-33 du C. Pénal est contraire au principe de légalité des délits et des peines énoncé à l’article 8 de la DDHC. Le premier définit le harcèlement sexuel comme « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Le second, oblige à définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis : c’est le principe de la légalité des délits et des peines. Nous sommes en présence d’un article du Code Pénal qui est contraire à un article de la DDHC.
Précisions quant au problème juridique et annonce des étapes du raisonnement : Un article du Code Pénal peut-il contredire un article de la DDHC appartenant au bloc de constitutionnalité et dans la négative, quels sont les recours possibles ? Il conviendra donc de préciser la place de chacune de ces normes dans la hiérarchie (I). Puis, si cette hiérarchie n’est pas respectée, rechercher si Monsieur Jean QUIKINE peut avoir recours à l’un des mécanismes prévus pour contrôler la conformité d’une loi à la Constitution (II).
I- La place respective de la loi et de la DDHC dans la hiérarchie des normes
Les normes écrites nationales s’ordonnent selon une hiérarchie, le principe étant qu’un texte de la catégorie inférieure est toujours subordonné aux textes de la catégorie supérieure et ne peut donc y déroger. Au sommet de la pyramide, il faut placer la Constitution ou plus précisément le bloc de constitutionnalité, puis viennent les traités internationaux ratifiés et publiés et le droit communautaire, puis les lois organiques et enfin les lois ordinaires votées par le Parlement. La Constitution, qui peut être définie (vocabulaire Capitant) comme « un ensemble de règles suprêmes fondant l’autorité étatique, organisant ses institutions, lui donnant ses pouvoirs, et souvent aussi lui imposant des limitations, en particulier en garantissant des libertés aux sujets ou citoyens » a donc une autorité supérieure à la loi ordinaire. Dès lors, les lois ordinaires doivent en principe être conformes à la Constitution. Quels sont les mécanismes permettant de contrôler cette conformité ? Monsieur Jean QUIKINE peut-il y avoir recours ?
II- Mécanismes de contrôle de la conformité d’une loi à la constitution
Jusqu’à la dernière réforme de la Constitution, il n’existait qu’une procédure de contrôle de la constitutionnalité des lois : un contrôle préventif confié au Conseil constitutionnel. Depuis la réforme du 23 juillet 2008, une autre procédure de contrôle a été instaurée : la question prioritaire de constitutionnalité.
Le contrôle préventif par le Conseil constitutionnel pour juger de la conformité d’une loi à la Constitution ne peut être effectué qu’à la demande du Président de la République, du Premier ministre, du président de chacune des assemblées, ou de 60 députés ou 60 sénateurs. Le simple particulier n’a aucun recours. De plus ce contrôle a lieu après le vote de la loi et avant sa promulgation. La loi à l’origine de l’article 222-23 du Code Pénal est entrée en vigueur le 17 Janvier 2002. Monsieur Jean QUIKINE ne peut donc pas compter sur ce type de contrôle.
Depuis la réforme du 23 juillet 2008, le nouvel article 61-1 de la Constitution dispose : « lorsque à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». Il s’agit donc de critiquer la conformité d’une loi à la Constitution à l’occasion d’un procès portant sur l’application de cette loi. Monsieur Jean QUIKINE est bien convoqué devant le tribunal correctionnel pour être jugé suite à la plainte pour harcèlement sexuel déposée par l’une de ses collaboratrices. La saisine du Conseil constitutionnel ne se fait pas directement par le justiciable mais par la Cour de cassation, si le renvoi est demandé à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction judiciaire, comme c’est le cas en espèce. La Cour de cassation appréciera l’opportunité de saisir le Conseil constitutionnel et peut s’abstenir de le faire si elle considère que la disposition contestée n’est pas contraire à la Constitution. Monsieur Jean QUIKINE peut cependant avoir l’espoir d’être entendu par la Cour de cassation car la contradiction, on l’a vu, existe.
Il semble que la question prioritaire de constitutionnalité soit donc pour Monsieur Jean QUIKINE le seul moyen de faire valoir que la loi qu’on entend lui opposer est contraire à l’article 8 de la DDHC contenue dans le bloc de Constitutionnalité. Une affaire similaire a déjà été tranchée –par la QPC du 4 Mai 2012 n°2012-240. Dabs cette décision le CC a estimé que l’art 222-33 du Code Pénal était contraire au principe de légalité des délits et des peines et à abrogé l’article litigieux.
Les faits litigieux étant antérieurs à cette décision, Monsieur QUIKINE peut espérer qu’à l’instar de la position adoptée par le Conseil dans cette QPC, l’article 222-33 du Code pénal sera déclaré contraire à la Convention Internationale, et ne lui sera pas appliqué.
La nouvelle rédaction de l’article 222-33 du Code pénal, issue de la loi du 6 Août 2012, et n’étant plus litigieuse, dispose désormais que «Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuel qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante… »
Cas n°3 : Loi / Article du préambule de la Constitution de 1946.
Exposé des faits : Madame Emilie TERRE est soldat dans l’armée française et elle s’inquiète à propos d’une loi sur le point d’être votée qui prévoit que la sélection des soldats envoyés sur le terrain pourra être faite sur la base de tests physiques identiques pour tous les soldats. Elle considère que cette mesure pénalise les femmes et qu’elle est donc contraire à l’article 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».
Question de fait : Madame Emilie TERRE se demande si elle peut invoquer et tirer parti de la contradiction qu’elle estime exister entre la loi qui va être votée et l’article 3 du préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946.
Question de droit : Existe-t-il une hiérarchie entre les règles de droit interdisant à une règle d’autorité inférieure de contredire une règle d’autorité supérieure ?
Introduction des règles applicables à la difficulté du cas et justification du plan : Pour éviter le désordre et l’insécurité juridique qui pourraient résulter de l’existence de normes contradictoires, notre système juridique a classé ces normes dans un ordre hiérarchique et a mis en place des moyens permettant d’assurer le respect de cette hiérarchie.
Qualification juridique des éléments donnés par le cas : Madame Emilie TERRE estime que la loi qui est sur le point d’être votée et qui prévoit que la sélection des soldats envoyés sur le terrain pourra être faite sur la base de tests physiques identiques pour tous les soldats est contraire à l’article 3 du préambule de la Constitution de 1946. Ce dernier prévoit : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Nous sommes en présence d’une loi non encore votée qui est contraire à un article du préambule de la Constitution de 1946.
Précisions quant au problème juridique et annonce des étapes du raisonnement : Une loi peut-elle contredire un article du préambule de la Constitution de 1946 et partant le bloc de constitutionnalité et dans la négative, quels sont les recours possibles ? Il conviendra donc de préciser la place de chacune de ces normes dans la hiérarchie (I). Puis, si cette hiérarchie n’est pas respectée, rechercher si Madame Emilie TERRE peut avoir recours à l’un des mécanismes prévus pour contrôler la conformité d’une loi à la Constitution (II).
I- La place respective de la loi et du préambule de la Constitution de 1946 dans la hiérarchie des normes
Les normes écrites nationales s’ordonnent selon une hiérarchie, le principe étant qu’un texte de la catégorie inférieure est toujours subordonné aux textes de la catégorie supérieure et ne peut donc y déroger. Au sommet de la pyramide, il faut placer la Constitution ou plus précisément le bloc de constitutionnalité, puis viennent les traités internationaux ratifiés et publiés et le droit communautaire, puis les lois organiques et enfin les lois ordinaires votées par le Parlement. La Constitution, qui peut être définie (vocabulaire Capitant) comme « un ensemble de règles suprêmes fondant l’autorité étatique, organisant ses institutions, lui donnant ses pouvoirs, et souvent aussi lui imposant des limitations, en particulier en garantissant des libertés aux sujets ou citoyens » a donc une autorité supérieure à la loi ordinaire. Dès lors, les lois ordinaires doivent en principe être conformes à la Constitution. Quels sont les mécanismes permettant de contrôler cette conformité ? Madame Emilie TERRE peut-elle y avoir recours ?
II- Mécanismes de contrôle de la conformité d’une loi au bloc de Constitutionnalité
Jusqu’à la dernière réforme de la Constitution, il n’existait qu’une procédure de contrôle de la constitutionnalité des lois : un contrôle préventif confié au Conseil constitutionnel. Depuis la réforme du 23 juillet 2008, une autre procédure de contrôle a été instaurée : la question prioritaire de constitutionnalité.
Le contrôle préventif par le Conseil constitutionnel pour juger de la conformité d’une loi à la Constitution ne peut être effectué qu’à la demande du Président de la République, du Premier ministre, du président de chacune des assemblées, ou de 60 députés ou 60 sénateurs. Le simple particulier n’a aucun recours. De plus ce contrôle a lieu après le vote de la loi et avant sa promulgation. La loi en question qu’Emilie TERRE invoque n’a pas encore été votée. De plus, en tant que simple citoyenne elle ne peut intenter ce type de recours.
Depuis la réforme du 23 juillet 2008, le nouvel article 61-1 de la Constitution dispose : « lorsque à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». Il s’agit donc de critiquer la conformité d’une loi à la Constitution à l’occasion d’un procès portant sur l’application de cette loi. Monsieur Vincent Papa est bien en procès contre la famille du chanteur devant le tribunal de grande instance à propos de l’application de l’article 16-11 du Code civil. La saisine du Conseil constitutionnel ne se fait pas directement par le justiciable mais par la Cour de cassation, si le renvoi est demandé à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction judiciaire, comme c’est le cas en espèce. La Cour de cassation appréciera l’opportunité de saisir le Conseil constitutionnel et peut s’abstenir de le faire si elle considère que la disposition contestée n’est pas contraire à la Constitution. Madame Emilie TERRE peut cependant avoir l’espoir d’être entendu par la Cour de cassation car la contradiction, on l’a vu, existe. Une loi organique fixe à trois mois le délai dans lequel la Cour sera amenée à se prononcer. La nouvelle rédaction de l’article 62 de la Constitution prévoit que si à l’issue de la procédure le Conseil constitutionnel conclut à l’inconstitutionnalité d’une disposition, cette dernière se trouve ipso facto abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel et dans les éventuelles conditions et limites qu’il fixe. Il doit se prononcer dans les trois mois de sa saisine. Il semble que la question prioritaire de constitutionnalité soit donc pour Madame Emilie TERRE le seul moyen de faire valoir que la loi qu’on entend lui opposer est contraire au bloc de Constitutionnalité. Toutefois, elle devra attendre que la loi soit entrée en vigueur et devra être en procès concernant l’application de cette loi. Sinon, elle peut essayer d’alerter les députés et sénateurs concernant cette disposition.
Cas n°4 : Loi / Règlement européen.
Exposé des faits : Monsieur Yvan DEMEZON est belge et s’est installé en France où il est poursuivi en justice pour exercice illégal de la profession d’architecte. Il lui est reproché de ne pas avoir respecté les dispositions d’une loi du 6 février 2011 qui réserve l’exercice de cette profession en France aux seules personnes ayant obtenu le diplôme d’architecte en France. Il doit préparer sa défense et il se demande s’il peut invoquer devant le tribunal un règlement européen qui prévoit que tous les ressortissants d’un pays de l’Union européenne, titulaire d’un diplôme d’architecte peuvent exercer leur profession sur le territoire de tout Etat membre.
Question de fait : Monsieur Yvan DEMEZON se demande s’il peut invoquer la contradiction qu’il estime en sa faveur et qui existe entre une loi interne et un règlement européen.
Question de droit : Existe-t-il une hiérarchie entre les règles de droit interdisant à une règle d’autorité inférieure de contredire une règle d’autorité supérieure ?
Introduction des règles applicables à la difficulté du cas et justification du plan : Pour éviter le désordre et l’insécurité juridique qui pourraient résulter de l’existence de normes contradictoires, notre système juridique a classé ces normes dans un ordre hiérarchique et a mis en place des moyens permettant d’assurer le respect de cette hiérarchie.
Qualification juridique des éléments donnés par le cas : Monsieur Yvan DEMEZON estime que la loi du 6 Février 2011 qui réserve l’exercice de la profession d’architectes en France aux seules personnes ayant obtenu le diplôme d’architecte en France est contraire à un règlement européen qui prévoit que tous les ressortissants d’un pays de l’UE, titulaire d’un diplôme d’architecte peuvent exercer leur profession sur le territoire de tout Etat membre. Nous sommes en présence d’une contradiction entre une loi interne et un règlement européen.
Précisions quant au problème juridique et annonce des étapes du raisonnement : Une loi peut-elle contredire un règlement européen et dans la négative, quels sont les recours possibles ? Il conviendra donc de préciser la place de chacune de ces normes dans la hiérarchie (I). Puis, si cette hiérarchie n’est pas respectée, rechercher si Monsieur Yvan DEMEZON peut avoir recours à l’un des mécanismes prévus pour contrôler la conformité d’une loi à un Traité européen (II).
I- La place respective d’une loi et d’un Traité dans la hiérarchie des normes
Les normes écrites nationales s’ordonnent selon une hiérarchie, le principe étant qu’un texte de la catégorie inférieure est toujours subordonné aux textes de la catégorie supérieure et ne peut donc y déroger. Au sommet de la pyramide, il faut placer la Constitution ou plus précisément le bloc de constitutionnalité, puis viennent les traités internationaux ratifiés et publiés et le droit communautaire, puis les lois organiques et enfin les lois ordinaires votées par le Parlement. La Constitution, qui peut être définie (vocabulaire Capitant) comme « un ensemble de règles suprêmes fondant l’autorité étatique, organisant ses institutions, lui donnant ses pouvoirs, et souvent aussi lui imposant des limitations, en particulier en garantissant des libertés aux sujets ou citoyens » a donc une autorité supérieure à la loi ordinaire. Dès lors, les lois ordinaires doivent en principe être conformes aux Traités européens qui sont au-dessus dans la hiérarchie des normes. Quels sont les mécanismes permettant de contrôler cette conformité ? Monsieur Yvan Démézon peut-il y avoir recours ?
II- Mécanismes de contrôle de la conformité d’une loi à un Traité européen.
L’article 55 de la Constitution consacre la supériorité des traités ratifiés sur les lois internes sous réserve de leur application par l’autre partie (condition de réciprocité). De même, les normes communautaires ont une autorité supérieure à la loi interne (sans condition de réciprocité). Dès lors si les dispositions d’un traité ou d’une norme communautaire sont manifestement incompatibles avec celles d’une loi interne, il convient de faire primer l’application du traité ou de la norme communautaire sur celle de la loi. Aucune procédure n’existe pour éviter préventivement une contradiction : on ne subordonne pas l’adoption d’une loi à un contrôle préalable de sa conformité à toute norme communautaire ou issue d’un traité (impossible). Donc la contradiction est possible et si elle existe elle sera révélée à l’occasion d’un procès, les parties invoquant devant le juge des normes contradictoires. C’est donc le juge qui sera le gardien du respect de la hiérarchie des normes : en appliquant la norme d’autorité supérieure et en écartant l’autre.
Cette solution n’a guère posé de difficulté dans le cas d’un traité postérieur à une loi nationale. Dans ce cas on considère que la loi est implicitement abrogée par le traité pour tout ce qui entre dans le champ d’application de celui-ci. En l’espèce, si la loi est antérieure au Traité, alors elle est implicitement abrogée. Dans ce cas, elle ne sera pas applicable à Monsieur Yvan DEMEZON.
En revanche lorsque la loi nationale est postérieure au traité ou à la norme communautaire les juridictions ont pendant longtemps été réticentes pour l’écarter.
Ainsi ce n’est que depuis un arrêt NICOLO du 20 octobre 1989 que le Conseil d’Etat accepte de contrôler la conformité d’une loi à un traité (en l’espèce Traité de Rome donc droit communautaire mais solution valable pour tout traité) et d’écarter la loi au profit du traité.
Les juridictions judiciaires font de même. En effet, depuis un arrêt rendu en Chambre mixte le 24 mai 1975 (Jacques VABRE) la Cour de cassation accepte de faire prévaloir un traité (traité de Rome) sur une loi postérieure contraire.
En revanche, le Conseil constitutionnel refuse toujours de contrôler la conformité des lois aux traités (une exception : lorsqu’il statue en tant que juge de l’élection en vertu de l’article 59 de la Constitution : arrêt BISCHOFF : il écarte l ‘application d’une loi contraire à une convention internationale). Il n’accepte que de sanctionner les atteintes directes à l’article 55 (lorsque les termes de cet article sont expressément méconnus: exemple : loi affirmant qu’un traité est applicable même sans réciprocité).
Si toutefois, les juges du fond décident de lui appliquer la loi lui interdisant d’exercer la profession d’architecte en France puisqu’il n’a pas obtenu ses diplômes en France, Monsieur Yvan Démézon devra attendre d’arriver devant l’instance suprême, en l’occurrence la Cour de Cassation, pour que celle-ci effectue le contrôle et lui donne raison.
Cas n°5 : Traité européen / Article de la Charte de l’environnement.
Exposé des faits : Madame Manon MESRI est membre d’une association de protection de la nature et elle vient d’apprendre que la France a signé avec différents Etats un traité autorisant entre ces pays le transport et l’enfouissement de déchets nucléaires. Elle considère que le traité n’impose pas des normes de sécurité particulières et méconnaît donc l’article 3 de la Charte de l’environnement de 2004 selon lequel « toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Elle se demande ce qu’elle peut faire pour empêcher que ce traité entre en application.
Question de fait : Madame Manon MESRI se demande si elle peut invoquer la contradiction entre le Traité signé par la France et d’autres Etats et l’article 3 de la Charte de l’environnement de 2004.
Question de droit : Existe-t-il une hiérarchie entre les règles de droit interdisant à une règle d’autorité inférieure de contredire une règle d’autorité supérieure ?
Introduction des règles applicables à la difficulté du cas et justification du plan : Pour éviter le désordre et l’insécurité juridique qui pourraient résulter de l’existence de normes contradictoires, notre système juridique a classé ces normes dans un ordre hiérarchique et a mis en place des moyens permettant d’assurer le respect de cette hiérarchie.
Qualification juridique des éléments donnés par le cas : Madame Manon MESRI estime que le Traité que viennent de signer la France et d’autres Etats ne respect par de normes de sécurité particulière en matière de transport et d’enfouissement de déchets nucléaires et partant ne respecte pas l’art 3 de la Charte de l’environnement de 2004. Cet article prévoit : « toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Nous sommes en présence d’une contradiction entre un traité européen et un article de la charte de l’environnement qui appartient au bloc de constitutionnalité.
Précisions quant au problème juridique et annonce des étapes du raisonnement : Un traité peut-il contredire un article de la charte de l’environnement et dans la négative, quels sont les recours possibles ? Il conviendra donc de préciser la place de chacune de ces normes dans la hiérarchie (I). Puis, si cette hiérarchie n’est pas respectée, rechercher si Madame Manon MESRI peut avoir recours à l’un des mécanismes prévus pour contrôler la conformité d’un Traité européen à la Charte de l’environnement (II).
I- La place respective d’un Traité et de la Charte de l’environnement de 2004 dans la hiérarchie des normes
Les normes écrites nationales s’ordonnent selon une hiérarchie, le principe étant qu’un texte de la catégorie inférieure est toujours subordonné aux textes de la catégorie supérieure et ne peut donc y déroger. Au sommet de la pyramide, il faut placer la Constitution ou plus précisément le bloc de constitutionnalité contenant notamment la Charte de l’environnement de 2004, puis viennent les traités internationaux ratifiés et publiés et le droit communautaire. La Constitution, qui peut être définie (vocabulaire Capitant) comme « un ensemble de règles suprêmes fondant l’autorité étatique, organisant ses institutions, lui donnant ses pouvoirs, et souvent aussi lui imposant des limitations, en particulier en garantissant des libertés aux sujets ou citoyens » a donc une autorité supérieure à la loi ordinaire. Dès lors, les Traités européens doivent en principe être conformes au Bloc de Constitutionnalité qui est au-dessus dans la hiérarchie des normes. Quels sont les mécanismes permettant de contrôler cette conformité ? Madame Manon MESRI peut-elle y avoir recours ?
II- Mécanisme de contrôle de la conformité d’un Traité au bloc de Constitutionnalité.
L’article 54 de la Constitution permet au Président de la République, au Premier ministre, au Président de l’AN, au Président du Sénat ou à 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil Constitutionnel avant la ratification d’un Traité pour juger si une clause de ce Traité n’est pas contraire à la Constitution. Si tel est le cas, l’autorisation de ratification ne peut être donnée qu’après la révision de la Constitution. Mais si les personnes habilitées ne saisissent pas le Conseil Constitutionnel, le traité est librement ratifié…
Madame MESRI ne peut donc en l’état que faire du lobbying pour susciter un tel contrôle préventif.
N B. : Absence de procédure de contrôle de la conformité d’un règlement européen à la constitution :
Il n’existe pas en revanche de procédure permettant de veiller à la conformité des règlements européens à la constitution française.
Cas n°6 :
Exposé des faits : Monsieur Jean KETTE est journaliste et, dans un de ses articles, il a publié la feuille d’impôt du patron d’une grande entreprise pour démontrer que ses revenus ont augmenté alors que son entreprise connaît de graves difficultés financières justifiant de nombreux licenciements. En raison de cet article, il doit comparaître devant le tribunal correctionnel pour recel d’informations relatives aux revenus, couvertes par le secret fiscal et provenant de la violation du secret professionnel par un fonctionnaire non identifié. Il estime qu’il n’a fait que son métier et entend invoquer l’article 10 de la C.E.D.H. qui prévoit que « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière »… Il se demande quelles sont ses chances devant le juge.
Question de fait : Monsieur Jean KETTE se demande si il peut invoquer l’article 10 de la Conv. EDH pour sa défense.
Question de droit : Existe-t-il une hiérarchie entre les règles de droit interdisant à une règle d’autorité inférieure de contredire une règle d’autorité supérieure ?
Introduction des règles applicables à la difficulté du cas et justification du plan : Pour éviter le désordre et l’insécurité juridique qui pourraient résulter de l’existence de normes contradictoires, notre système juridique a classé ces normes dans un ordre hiérarchique et a mis en place des moyens permettant d’assurer le respect de cette hiérarchie.
Qualification juridique des éléments donnés par le cas : Monsieur Jean KETTE estime qu’il n’a fait que son travail en publiant la feuille d’impôt du patron d’une grande entreprise pour démontrer que ses revenus ont augmenté alors que son entreprise connait de grandes difficultés financières justifiant le licenciement de nombreuses personnes. Il estime qu’il n’a pas violé le secret professionnel et partant le secret fiscal. Pour sa défense il entend invoquer l’article 10 de la Conv. EDH qui prévoit que « Toute personne a droit à communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».
Précisions quant au problème juridique et annonce des étapes du raisonnement : Un article du Code pénal peut-il contredire un article de la Conv. EDH et dans la négative, quels sont les recours possibles ? Il conviendra donc de préciser la place de chacune de ces normes dans la hiérarchie (I). Puis, si cette hiérarchie n’est pas respectée, rechercher si Monsieur Jean KETTE peut avoir recours à l’un des mécanismes prévus pour contrôler la conformité d’un article du code pénal à la Conv. EDH (II).
I- La place respective d’un article du Code pénal et de la Conv. EDH dans la hiérarchie des normes
Les normes écrites nationales s’ordonnent selon une hiérarchie, le principe étant qu’un texte de la catégorie inférieure est toujours subordonné aux textes de la catégorie supérieure et ne peut donc y déroger. Au sommet de la pyramide, il faut placer la Constitution ou plus précisément le bloc de constitutionnalité, puis viennent les traités internationaux ratifiés et publiés et le droit communautaire, puis les lois organiques et enfin les lois ordinaires votées par le Parlement. La Constitution, qui peut être définie (vocabulaire Capitant) comme « un ensemble de règles suprêmes fondant l’autorité étatique, organisant ses institutions, lui donnant ses pouvoirs, et souvent aussi lui imposant des limitations, en particulier en garantissant des libertés aux sujets ou citoyens » a donc une autorité supérieure à la loi ordinaire. Dès lors, les lois internes doivent être conformes au droit européen parmi lequel on trouve la Conv. EDH qui est au-dessus dans la hiérarchie des normes. Quels sont les mécanismes permettant de contrôler cette conformité ? Monsieur Jean KETTE peut-il y avoir recours ?
II-Mécanisme du recours ouvert à Monsieur Jean KETTE.
L’article 55 de la Constitution consacre la supériorité des traités ratifiés sur les lois internes sous réserve de leur application par l’autre partie (condition de réciprocité). De même, les normes communautaires ont une autorité supérieure à la loi interne (sans condition de réciprocité). Dès lors si les dispositions d’un traité ou d’une norme communautaire sont manifestement incompatibles avec celles d’une loi interne, il convient de faire primer l’application du traité ou de la norme communautaire sur celle de la loi. Aucune procédure existe pour éviter préventivement une contradiction : on ne subordonne pas l’adoption d’une loi à un contrôle préalable de sa conformité à toute norme communautaire ou issue d’un traité (impossible). Donc la contradiction est possible et si elle existe elle sera révélée à l’occasion d’un procès, les parties invoquant devant le juge des normes contradictoires. C’est donc le juge qui sera le gardien du respect de la hiérarchie des normes : en appliquant la norme d’autorité supérieure et en écartant l’autre.
Cette solution n’a guère posé de difficulté dans le cas d’un traité postérieur à une loi nationale. Dans ce cas on considère que la loi est implicitement abrogée par le traité pour tout ce qui entre dans le champ d’application de celui-ci.
Ainsi ce n’est que depuis un arrêt Nicolo du 20 octobre 1989 que le Conseil d’Etat accepte de contrôler la conformité d’une loi à un traité (en l’espèce Traité de Rome donc droit communautaire mais solution valable pour tout traité) et d’écarter la loi au profit du traité.
Les juridictions judiciaires ont, depuis un arrêt rendu en Chambre mixte le 24 mai 1975 (Jacques Vabre) la Cour de cassation accepté de faire prévaloir un traité(traité de Rome) sur une loi postérieure contraire.
La Cour EDH a rendu un arrêt en date du 21 Janvier 1999 dans une affaire étrangement similaire. Dans l’arrêt en question, FRESSOZ ET ROIRE C/ FRANCE, la Cour EDH a condamné la France pour non-respect de l’article 10 de la Conv. EDH qui prévoit que « Toute personne a droit à communiquer des informations ou idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ». En substance, la Cour EDH estime que, par essence, l’article 10 de la Conv. EDH laisse aux journalistes le soin de décider s’il est nécessaire ou non de reproduire le support de leurs informations pour en asseoir la crédibilité. Il protège le droit des journalistes de communiquer des informations sur des questions d’intérêt général dès lors qu’ils s’expriment de bonne foi, sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de l’éthique journalistique.
Monsieur Jean KETTE devra invoquer l’article 10 de la Conv. EDH pour sa défense qui protège la liberté d’expression des journalistes.